jeudi 17 décembre 2020

Demain… (7)

Que fait-elle ici ?
Que fait-il ici ?

Que fait-elle aujourd'hui ?
Que fait-il aujourd'hui ?

Elle appelle
                Il appelle

Je ne sais qui elle appelle
Je ne sais qui il appelle

Elle appelle quelqu'un
                               quelqu'un de brisé
Il appelle quelqu'une
quelqu'une que rien n'a pu briser

Elle appelle, il appelle…

Elle appelle quelqu'un de là-bas
Il appelle quelqu'une au loin…

Quelqu'un, quelqu'une d'un autre monde…

D'après Et pourquoi moi je dois parler comme toi ?
de Henri Michaud


dimanche 6 décembre 2020

Demain… (6)


L'espoir ?


L'espoir,

je l'ai aperçu dans les cieux de novembre

ces heures, ces jours à voir,

recevoir, respirer, de telles lumières,

de belles, très belles lumières…


L'espoir, je le devine, l'espère très vif

dans les semaines printanières à venir

dans ces temps d'été à inventer

ces temps d'été d'un jaune de miel

d'être encore plus vivant avec le vivant

les autres, l'autre  infini, l'infini autre…

JeanPaul C.

mercredi 2 décembre 2020

Demain… (5)


Aujourd'hui au demain de hier,

décembre commence à novembre finissant. 

Je me fais face à me regarder dans la glace.

Dans ce face à face, je cherche à voir

cet imperceptible changement du temps. 

Rien d'évident et pourtant,

j'en suis sûr, quelque chose a changé.

Est-ce un cheveu blanc de plus

à la tempe de l'enfant ?

24482 demains à coup d'un petit rien chaque matin ;

ça fait d'un bébé un gamin et de la vie un destin.

Au revoir miroir à demain !

Je garde ton reflet à l’œil.


Jean-Marc S. le premier décembre 2020

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vendredi 27 novembre 2020

Demain… (4)

… la liberté

Si on ne crie pas vive la liberté avec humilité

on ne crie pas vive la liberté

Si on ne crie pas vive la liberté en riant

on ne crie pas vive la liberté

Si on ne crie pas vive la liberté avec amour

on ne crie pas vive la liberté

Vous, fils des fils, vous criez avec mépris,

avec rage, avec haine vive la liberté

donc vous ne criez pas vive la liberté !

Il y a une liberté véritable

et une liberté mensongère

mieux vaut être les héros de la liberté véritable.


Pier Paolo Pasolini

Extrait de La Rage

http://www.editions-nous.com/pasolini_larage.html

vendredi 6 novembre 2020

Demain… (3)



Demain, dès l'aube…

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

 

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

 

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

 

Victor Hugo

extrait du recueil Les Contemplations (1856)

samedi 31 octobre 2020

Demain… (2)



Demain


Âgé de cent mille ans, j’aurais encor la force
De t’attendre, ô demain pressenti par l’espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses, 
Peut gémir : Le matin est neuf, neuf est le soir.

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille, 
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu, 
Nous parlons à voix basse et nous tendons l’oreille
À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.

Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent. 


Robert Desnos, 1942

samedi 24 octobre 2020

Demain… (1)


Mes amis, la peine est de ce monde ;

La peine est de ce monde

je le sais bien.


Comment deviner sur la fragile branche,

Le nom des saisons à venir ?


La peine est de ce monde,

ô mes amis que j'aime,

Mais chaque fleur d'orage

porte la graine de demain.


Andrée Chedid

La Fleur d'orage

in Textes pour un poème

dimanche 18 octobre 2020

Soir d'été… (7)


Je vois toujours le ciel

pour la première fois


Je ne me suis jamais habitué à vivre :

j’ai beau connaître les cieux

aussi bien que moi-même

je vois toujours le ciel

pour la première fois

et la rose fardée

par les soins du couchant

 

J’ai beau connaître les cieux

aussi bien que moi-même

je vois toujours le ciel

pour la première fois

et l’orange fondre

dans les voiles du lointain

je ne peux m’habituer

à voir le soleil se coucher…


D'après J'ai raison d'être folle

in Le Livre des anges

de Lydie Dattas

lundi 12 octobre 2020

Soir d'été… (6)



Couchant à Mzouazia


Il meurt sur les plus hautes branches
Un dernier rayon de soleil ;

Le couchant sème d'ors étranges
Sur les flots verts et vermeils.

 

Au ciel pâle d'où le soir tombe,
Dans l'azur gris couleur des eaux,
Glissent comme des éclairs d'ombre
Le pêcheur et son long bateau.

 

Il sort un profond et doux charme
De toutes ces choses, sans fin ;
Tout est joyeux, apaisé, calme ;
Bientôt la nuit, où tout est divin...

 

D'après Fernand Gregh

dimanche 4 octobre 2020

Soir d'été… (5)




Soir d’été

 

Le soleil brûlait l’ombre, et la terre altérée
au crépuscule errant demandait un peu d’eau ;
chaque vague de sa tête inclinait le fardeau
du jour sur l’océan encore doré.


Tandis que l’astre en feu descend et va s’asseoir
au fond de sa rouge lumière,
dans les marais frissonne la prière,
et dans les airs :  «  Bonsoir ! Bonsoir !  »

pas une aile à l’azur ne demande à s’étendre,
pas un souffle ne rôde sur la passe déserte,
dans tout ce grand calme et ces tons adoucis
le moustique à l’affût pourrait t’entendre…

 

D’après Soir d’été de Marceline Desbordes-Valmore

mardi 29 septembre 2020

Soir d'été… (4)

Attention

à ne pas éteindre

en toi

le soleil.

 

Si tu n’es pas sage

je t’enfermerai

dans le béton

de fausses pyramides

où bat toujours

sous l’imposture

mon cœur d’enfant sauvage.


Jacques Temple

Extrait de Sirventès in Par le sextant du soleil

jeudi 24 septembre 2020

Soir d'été… (3)


À l'horizon…


Ce soir d'été doré

les portes de la nuit elle a repoussées

s'est assise sous un arbre endormi

face à l'océan éternel, toile immobile

avec pour unique compagnon

un large chapeau de paille 

qu'elle oublie parfois près de l'éventail

que je retrouve parfois dans l'automobile


Ce soir d'été doré

les portes de la nuit elle a repoussées

dans l'attente du dialogue avec les étoiles…

                                                                       JeanPaul C.

dimanche 30 août 2020

Soir d'été… (2)


Ce soir-là…

Le vent s’amuse en bourrasques
ce soir-là sur la Passe aux Bœufs
comme pour impressionner
en face l’Île Madame immobile 

Les couleurs du couchant
ont basculé sur le marais
enveloppant la sirène
d’un voile de lune multicolore

L’horizon, habillé de silence
porte le vide des carrelets
malgré les souffles désespérés
les ombres avancent, dansent…
JeanPaul C.

lundi 10 août 2020

Soirs d'été… (1)


Soleils couchants

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants

La mélancolie
Berce redoux chants
Mon cœur qui s'oublie
Aux soleils couchants

Et d'étranges rêves,
Comme des soleils
Couchants, sur les grèves
Fantômes vermeils

Défilent sans trêves,
Défilent pareils
À de grands soleils
Couchants sur les grèves.

Paul Verlaine

lundi 6 juillet 2020

Nostalgie… (7)

Les jours dansants ne sont plus ?

Viens que je te chante à l'oreille,
les jours dansants dansent-ils encore ?

Viens que je te chante à l'oreille
les jours dansants dansent encore…

Danse et cueille la lumière du jardin
éclaboussé de toutes couleurs

Recueille-toi au cœur de chaque fleur
et respire la jusqu'à l'ivresse…

Enveloppe-toi des mille senteurs
et des danses de la terre, oui danse…

Viens que je te chante à l'oreille
tous les jours à danser encore…

Reviens l'enfant riant et dansant
à chaque souffle, à chaque instant, entends :
les jours dansants dansent-ils encore ?

Jean-Paul C.
D'après Les jours dansants ne sont plus de William Butler Yeats
Quarante-cinq poèmes p. 137



jeudi 18 juin 2020

Nostalgie… (6)



Passage de la Nostalgie…

Ces deux placettes, reliées par cette ruelle cachée, appelé Passage Étroit de la Nostalgie, continuaient le centre fabuleux où venaient se fondre deux mondes secrets : l'un issu des disciplines talmudiques, et l'autre des disciplines ésotériques judéo-gréco-orientales.

Tout de dédale d'escaliers, de ruelles, de cours et de petites places s'appelaient Sérail des Belles Idées ou encore Sérail des Hébreux.

Dans cet endroit splendide, je jouais avec des enfants juifs qui savaient aussi bien raconter les choses des temps anciens qu'escalader les murets d'enceinte interdits. Les filles avaient, en plus, d'inquiétants sourires que je lisais dans leurs yeux, à l'ombre dorée des greniers.
Hugo Pratt
Fable de Venise p. 8

mercredi 10 juin 2020

Nostalgie… (5)


La vie est une précaution nécessaire

comme l'ombre pour l'arbre.


Mais il y a quelque chose en trop,

comme si la vie devait esquiver

son propre saut

ou l'ombre s'étendre

derrière

et non devant.


La nudité est antérieure au corps.


Et le corps par moments s'en souvient.

Roberto Juarroz
Extrait de Poésie verticale

lundi 1 juin 2020

Nostalgie… (4)

     
      Les orangers

     Les orangers
     des yeux de ma grand-mère

     une sanguine
     mélancolie étouffée
     à grandes brassées d’eau
     de Cologne

     un serpent
     à deux têtes
     encercle
     notre poignet

     enlacée
     je me noie
     dans l’amour

                                             Laure Morali

vendredi 29 mai 2020

Nostalgie… (3)

     

     L'arbre

     J’avais un grand arbre vert
     Où nichait mon enfance ailée,
     Un arbre grand troué de lumière
     Qui remplissait le haut de mon âme.

     J’avais de douces branches vertes
     Où chantait mon enfance triste,
     Des branches vertes et sonores
     Qui répétaient les chagrins de mon âme.

    J’avais mille feuilles vertes
    Où palpitait l’élan de mon enfance,
    Des feuilles lisses et captives
    Comme les oiseaux de mon âme.

    J’avais un grand arbre vert
    Où se dénouait la fleur de mon enfance,
    Pour quel printemps, pour quelle abeille?
    Pour quelle joie, pour quelle souffrance?

Rina Lasnier

jeudi 21 mai 2020

Nostalgie… (2)




Il me tarde de partir
pour oublier des joies moisies

Le soir s'annonce au pied de l'arbre
Le soleil se retire
Quand se décante l'oubli

J'attends la révélation
Elle garotte mon cœur
Et la nuit s'élance sur la traîne du jour

J'embrasserais volontiers
Mon enfance perdue
Si j'en avais le loisir

L'éclair du départ me foudroie


Nimrod
Extrait de Paysages
in Petit Éloge de la lumière nature


jeudi 14 mai 2020

Nostalgie… (1)

Le tablier

Vous souvenez-vous du tablier de votre grand-mère ?
Les mères et grands-mères portaient un tablier par-dessus leurs vêtements pour les protéger car elles avaient peu de robes de rechange. En fait, il était beaucoup plus facile de laver un tablier habituellement en coton qu’une robe, une blouse ou une jupe, faites d’autres tissus. Le principal usage du tablier de grand-mère était donc de protéger la robe, mais en plus de cela: 
Il servait de gant pour retirer un plat brûlant du fourneau, bien avant l’invention des « mitaines à fourneau ».
Il était merveilleux pour essuyer les larmes des enfants et, à certaines occasions, pour nettoyer les frimousses salies. 
Depuis le poulailler, le tablier servait à transporter les œufs, les poussins à réanimer, et parfois les œufs à moitié éclos, que maman déposait dans un fourneau tiède afin de faciliter leur éclosion. 
Quand il y avait de la visite, le tablier servait d'abri aux enfants timides... d’où l’expression : « Se cacher dans les jupons de sa mère ». 
Par temps frais, maman le relevait pour s’y emmitoufler les bras et les épaules. Par temps chaud, alors qu’elle cuisinait devant le poêle à bois, elle y épongeait la sueur de son front. 
Ce bon vieux tablier faisait aussi office de soufflet, alors qu’elle l’agitait au dessus du feu de bois pour le ranimer.

C'est lui qui servait à transbahuter pommes de terre et bois sec jusque dans la cuisine. 

Depuis le potager, il servait de panier pour de nombreux légumes ; après que les petits pois aient été récoltés, venait le tour des choux. En fin de saison, il était utilisé pour ramasser les pommes tombées de l'arbre.

Quand des visiteurs arrivaient à l’improviste, c'était surprenant de voir avec quelle rapidité ce vieux tablier pouvait faire la poussière. 

A l'heure du repas, grand-mère allait sur le perron agiter son tablier, c’était signe que le dîner était prêt, et les hommes aux champs savaient qu'ils devaient passer à table. 
Grand-mère l'utilisait aussi pour sortir la tarte aux pommes du four et la poser sur le rebord de la fenêtre, afin qu'elle refroidisse ; de nos jours sa petite fille l’y pose aussi, mais pour la décongeler... Autres temps, autres meurs! 
Il faudra de bien longues années, avant que quelqu'un invente un vêtement, qui puisse rivaliser avec ce bon vieux tablier utile à tant de choses. 
Danger ? 
On deviendrait bien fou aujourd’hui rien que de songer à la quantité de microbes qui pouvaient s’accumuler sur le tablier en une seule journée !

En réalité, la seule chose que les enfants de l’époque aient attrapée au contact du tablier de maman ou de grand-maman,
c’est de l’amour. 
Auteure inconnue envoyée par une amie d'une amie sage-femme

vendredi 8 mai 2020

Couleurs (7)



Chaussons arlequin

Regard étonné du matin
arrêt d'un instant éveillé
là, ses pieds colorés

sur le tapis rouge, posés
endormis ou ensommeillés
aller vers quel destin ?

couleurs de silence
ou de rêves bariolés
ils gardent leur secret
seuls dans la confidence

Jean-Paul C.

vendredi 1 mai 2020

Couleurs (6)


Enfant j'avais
d'indiscrets regards
où les filles se lavaient
et s'habillaient ;
j'en gardais de beaux frissons
et de douces pensées…

Les filles étaient mes soeurs
figées en moi comme l'on cache
dans son mouchoir
des ailes d'insectes,
des mouches mortes

ou des billes de réglisse vertes.

Claude Bugeon
Une traînée rouge sang

mercredi 29 avril 2020

Couleurs (5)

J'aime les algues vertes et brunes qui flottent librement sur l'eau comme dans un Pollock, ou comme un lit immense dans lequel le monde n'est plus fait de structures rigides. Cela m'attire, mais aussi la mer, qui de toute son énorme beauté se jette contre nous et au-dessous. Je voudrais te regarder mais m'en abstiens. La lisière de la grève déborde d'une lumière qui glisse le long de nos jambes puis descend dans les replis des profondeurs d'où les vagues fusent, nous renversant soudain.
Henri Cole
Extrait de Algues marines

samedi 25 avril 2020

Couleurs (4)

Les ors, les violets, les verts, les propres fiers
Éclatent dans le bleu naissant de l'Orient.

Les doutes, les désirs, les ardeurs, les colères
Troublent l'océan bleu de l'âme qui m'est chère.

Pourpres et violets s'entremêlent, arrêtant
Au seuil le Dieu Soleil qui revient des enfers.

Les doutes, les colères closent pour un moment
Cette âme sans laquelle mon âme est un néant.
Remy Goureront
Extrait du poème Symboles

“Un poète doit laisser des traces de son passage non des preuves. Seules les traces font rêver.”

René Char