Tendre évocation
Moins de deux
kilomètres à l'intérieur des terres, là où les pins cèdent la place aux
peupliers poussiéreux, se trouve une gare isolée. Un matin de Juin 1925, un
cabriolet Peugeot vint y chercher une mère et sa fille, pour les conduire à l'hôtel
Causse.
L'hôtel Causse, rien à
voir avec ce que je m'imaginais ! Dis, Maman, dans l'exemplaire du Petit Journal illustré du 24 Juillet
1921, l'hôtel photographié en première page ne se trouvait pas dans
cette ville de province ou nous allons passer notre semaine de congés payés ? Bien sur que non ma fille
! Deauville, pour nous, c'est du cinéma ! mais tu verras, tu rapporteras je
l'espère, un excellent souvenir de ces quelques jours de congé.
La chambre se situait au premier étage ; en
écartant les rideaux la vue est attirée par une superbe place animée garnie en
son centre d'une fontaine et ceinte de pins magnifiques qui embaumaient la
résine.
Le confort était au rendez-vous et même un
savon Palmolive était abandonné sur
le lavabo. Finalement, cela s'annonçait mieux que prévu. Après avoir rangé nos
affaires, ma mère et moi sommes attirées par une promenade sur cette belle
place si tentante vue de la fenêtre.
Quelques arcades abritaient des commerces : un
marchand de journaux exposait toute une série de Bécassine qui me ramenaient
quelques années en arrière.
Plus loin, un coiffeur vantait la marque L’Oréal : plus un cheveux blanc,
toujours trente ans ! Un peu plus loin, un bazar bourré d'articles divers
allant du pulvérisateur à insecticide fly-tox, au balai O’Cedar, la cafetière
Salam...
Mais, nous ne sommes pas là pour faire des
courses, arrêtons-nous pour prendre un apéritif ; huit jours de congé, ça se
fête ! Allez, tu commences à être grande, prenons un verre de Dubonnet, tu sais
comme dans le métro : dubo, dubon, Dubonnet ! Il n'y a pas qu'à Paris qu'on peut se distraire ; tiens, regarde l'affiche du cinéma en face, il passe le
film Pêcheur d'Islande réalisé par Jacques de Baroncelli, demain, promis, on y
va.
Je commençais à ne plus trop penser
à Deauville quand le son d'un accordéon m'interpella, en plus il chantait des
chansons de Vincent Scotto, Damia, Maurice Chevalier ! Et, à la fin de chaque
chanson il proposait à la vente pour un pris modique un exemplaire de la
musique de la chanson, et les auditeurs étaient invités à reprendre le refrain
en chœur !
J'ai toujours cet exemplaire dans
un placard, il représente pour moi le souvenir merveilleux de premières
vacances ou les choses simples suffisent pour être heureux.
Monique P.
Photos : exposition Dans le tourbillon des années 20 Médiathèque de Saintes (17100) http://www.votre-expo.com/