mercredi 27 avril 2011

Quelques feuilles…

Comme il est seul, très seul
devant la feuille blanche !

Me faire discret dans la cour d’école
comment cacher mes feuilles de chou ?

Comme elle tremble à l’approche de l’hiver
la feuille fatiguée, condamnée !

Qui va bien vouloir m’éplucher
murmure la feuille d’impôt ?

Ton cœur bat devant ton pupitre
où est cachée ta feuille de pompe ?

À quelle sauce va-t-elle être croquée
la tendre feuille de salade ?



Où vais-je pouvoir me glisser
murmure la feuille de cigarette ?

Plus personne ne veut de moi
soupire la feuille de papier carbone !

Sur quelle cuisse nue sera roulée
la feuille souple de tabac ?

S'assoupir, se laisser aller
lâche la feuille de nénuphar !

Aujourd’hui
les feuilles mortes
où peut-on les ramasser à la pelle ?


novembre 2008 / mai 2011

jeanPaul coLomb

dimanche 24 avril 2011

Bref éloge de la gourmandise

Saveurs en attente…

Les plaisirs du palais sont déjà là en devenir…
les saveurs savent être patientes
blotties au cœur des rondeurs
et des chairs juste cueillies…

Dès les premiers pas sur la place du marché
ou des halles — marmite dans la ville —
vents de marée, poissons et crustacés…
camaïeux du potager, racines, légumes et tubercules…
pulpes gorgées, baies et fruits des vergers…
effluves en combat, aromates, épices et autres herbes

tous les sens sont en alerte

le regard caresse les croupes des aubergines et des poivrons,
les mains soupèsent, posent et reposent le melon ou la laitue,
les papilles en silence jugent et tranchent :
trop fade, pas assez mûr, à point…

le nez devine les arômes de fruits
de poissons et de légumes frais
les oreilles attendent l’arrivée devant le piano de la cuisine :
— mélodie des oignons à blondir…
— frissons des pommes de terre à venir…
— bains de vapeur des légumes…
— casseroles et couvercles à la batterie…

Plus tard, le saut du bouchon
donnera le la pour le banquet des saveurs


jeanPaul coLomb

Janvier 2010

samedi 23 avril 2011

vendredi 22 avril 2011

Malgré tout…

on se lève — on se lave
on s’habille — on se déshabille
on p’tit déjeune — on déjeune — sur le pouce
on va — on vient — on revient — quelque part

on part — on repart
on s’en va — nulle part
on vit — on survit
on dévie — on revit
on revient — au départ

on range — on dérange
on fait — on défait — on refait
on se refait — une santé
on passe — on repasse
on dépasse — se surpasse — ou limace
on nage — on surnage
on ménage — on déménage — sur place
on se relève — on se relave — on se rhabille
on repart — quelque part
on tend — on attend — on se détend
on espère — on désespère — un temps

on se gare — on s’égare
on se pose — on dépose
on superpose — on se repose
on se tait — on se terre
on repère — on se perd

malgré soi
malgré tout…

jeanPaul coLomb
février 1999 / avril 2011

jeudi 21 avril 2011

Chemin (1)

Marcher, marcher
sur un chemin
sur le chemin

avancer, avancer
sur mon chemin
sur son chemin

où mène-t-il
ce chemin sans fin
où sont les fleurs ?

jeanPaul coLomb

avril 2011

mercredi 20 avril 2011

Traces…

Je me souviens du plaisir que j’avais enfant
chez ma grand’mère
à laisser des traces dans la terre…

Je me souviens de cette courte canne
avec laquelle je traçais de minuscules sillons
dans la poussière d’un passage souterrain
conduisant au jardin…

Je me souviens des balades dominicales
où muni d’une branche ou d’un bâton
je dessinais un chemin sans fin
le long des fossés de terre fraîche…
Puis la pellicule photo
a remplacé la canne, le bâton
et je me suis surpris à voler
la courte existence d’une fleur
les couleurs séduisantes de l’automne
les silhouettes d’inconnu(e)s
les sourires des enfants
la peau nue de la femme…

La soif de la recherche de ces traces
m’a saisi et j’ai accumulé ces instants
volés au temps, à l’instant éphémère
jusqu’à devenir chaque jour
à chacun de mes souffles
de mes regards, de mes pas
la simple trace
d’un battement d’aile de papillon…

Aujourd’hui, je joue à retrouver
la trace de quelques-unes de ces traces
disparues, enfouies, imaginées…

octobre 2008
jeanPaul coLomb

mardi 19 avril 2011

Temps (7)


porche d’antan
porche d’aujourd’hui
silence de l’huis

plaques d’un temps
clous et rivets
éternité fixée

accolade au ciel
surgie de la ruelle
tranches d’une ville

jeanPaul coLomb

avril 2011

Temps (6)

battants scellés
cire d’un temps
à jamais clos ?

anneaux vides
de mains perdues
orbites aveugles

offerts aux regards
ombres fantômes
plus de retard

jeanPaul coLomb
avril 2011

Temps (5)

clef du temps
perdue, emportée
hors saison, égarée

lignes du temps
fibres au cœur
nervure de matière

dans la lumière
respire encore
et pourtant linceul

jeanPaul coLomb
avril 2011

dimanche 17 avril 2011

Temps (4)

corrosion métallique
coque échappée
du quai évanoui

âmes en partance
large incertain d’horizon
larmes de sel rentrées

coques bois d’acier
ballottées dès la jetée
chaines rompues soudain

jeanPaul coLomb
avril 2011

Temps (3)

relever les amarres
lessiver l’anneau
graniter la rouille

grelin élimé
manœuvre effacée
érosion iodée

marée inlassable
ouverture insondable
cercle hors d’eau

jeanPaul coLomb
avril 2011

Temps (2)

vague après vague
sel après sel, dilué
aller et retour lunaire

usure marine
cordage frotté
liure effilée

soudé au granit
anneau lessivé
amarre relevée

jeanPaul coLomb
avril 2011

Temps (1)


pétales de temps
suspendus en clair-obscur
solides, tige solitaire

discrets et présents
fleur d'un instant
parfums égarés

posé, temps ici
et pourtant envolé
témoignage, merci…

jeanPaul colomb

avril 2011

La poussière

j’ai beau passer le chiffon, le plumeau, l’aspirateur
elle est déjà là
laver, cirer, frotter, astiquer, briquer, lustrer
elle est encore là
balayer, brosser, essuyer, lisser, souffler
elle est toujours là


mais d’où vient-elle ?
elle est inodore, incolore
se dépose sans bruit
se glisse partout
avec un faible pour les coins
les dessus, les dessous, les recoins
les jours sombres, où tout est plat
on ne la remarque pas
elle se terre
mais au premier rai de lumière
quand domine la clarté
on ne voit plus qu’elle


elle se pavane au gré des souffles
danse, se laisse porter
s’agglutine : mouton ou chaton
s’enroule pour faire un nid
rêve d’océan, de ciel
devenir étoile, archipel…


jeanPaul coLomb

juin 1999

vendredi 15 avril 2011

Escapade byzantine…

Escapade : évasion, échappée, fuite, fugue, absence, changement, ailleurs, au-delà, là-bas, de l’autre côté, au-dessus, par dessus la frontière, autre rive, loin, très loin ou à côté, de l’autre côté, tout près mais pas là…

byzantine : de Marseille Marignane à Istanbul Atatürk via Francfort, d’une rive à l’autre, de l’Europe à l’Asie, le temps d’une traversée en vapur (vapeur) ou ferry, lecture fugitive de Kadiköy en lettres rouges sur un panneau lumineux en défilement continu pour une destinée inconnue…



Et alors,
le dos à la Corne d’Or
et au pont Galata
depuis l’embarcadère Eminönü…
sur les flots de Marmara
flotte la gare Haydarpaşa
et s’ouvre la rue Günesli
et ses étals de poissons
jusqu’à la pointe Moda…
Et loin de chez soi
la magie escapade vous emmène
de la Mosquée Bleue
à Sainte Sophie
jusqu’au Palais de Topkapi (prononcer « Topkape »)
pousser jusqu’aux remparts et sa porte du Canon
avant de pèleriner à Eyüp
et de monter à la terrasse du « café Piyerloti »…
Constantinople : c’est Byzance !

Le labyrinthe du Grand bazar, les moquettes des mosquées,
les minarets dans les couchants s’inscrivent dans les ailleurs
de l’escapade vers une Sublime Porte…


jeanPaul coLomb
Avril 2010

jeudi 14 avril 2011

Sur le chemin…

Je l’ai vu partir, là-bas
au début du chemin de terre
soulignant le carré de vieilles vignes
ce chemin d’un autre temps, le chemin
du cimetière comme on l’appelle par ici…

Je l’ai vu partir un matin
un matin d’hiver
froid, froid et sec ce matin-là
quand les lueurs d’orient effacent les étoiles
les toutes dernières…

Sur ce fragment de chemin
je le revois partir
droit et volontaire
pas question de rebrousser chemin !
je l’avais croisé, la veille : rires et souvenirs
je m’en souviens bien, oui… très bien
j’étais là, fixe, derrière le carreau
comme derrière un miroir sans tain
quand je l’ai vu, filer ; dans les mains : rien
partir, se frayer un autre chemin…



On le sent
partir quand il est temps
pas trop tôt, et avec
au sein, la faim
de retrouver son chemin
de reprendre le chemin
car, enfin, il faut le quitter le chemin
ce chemin tout tracé, sans lacets
ce chemin en ronde, sans fin
où l’on finit par se perdre, en chemin…

Alors
on sort, tu sors, je sors…
il est l’heure de sortir de chez soi
de sortir de soi
de partir, de prendre l’air
l’air de rien, sans besace
décidé à reprendre le chemin
chemin de Damas
peut être vers Cythère
pour un temps, un autre temps

Peu importe l’heure, le jour, la saison
partir à l’heure
à son heure
seul, léger, très léger
ne pas s’embarrasser !
prendre le vent
le vent en chemin
vers l’horizon
poursuivre son chemin

Matin, ou soir
au levant, ou dans le noir
mais partir, pas trop tard
sortir, puis partir
sortir pour autre part
pour reprendre le chemin
un chemin sans retour
sans bagage…

jeanPaul coLomb

Décembre 2008

Éloge des regards

la route gravillonnée
monte doucement
je n’attends rien
le premier signe
dans le vent gris
est une tresse jaune
perle d’un rouge
chapelet d’or et de rubis
automne prématuré ?
mort soudaine?
le lierre vaincu
reste cramponné au chêne
la victoire peut-elle s’afficher ?
au sommet
dans la chapelle
plus de vent
une demi voûte encore étoilée
noircie par une cheminée ?
au fond
un œil de bœuf blanc
perce un cercle parfait
au sol
deux restes de charpente
comme une croix disloquée
sur un mur galeux
un regard perçant
s’échappe d’une tête échevelée

de l’orage passé
quelques traces demeurent
de toute l’eau jetée dans le pli
il ne reste que cette nappe
pleine et calme
du pont de pierre
je ne vois que ce puits
je m’approche et m’inonde
quelques notes liquides
serpentent sur le sable frais
témoin involontaire
du flux aveugle

jeanPaul coLomb

juillet 1998/juin 2011

Aux boues de la nuit…

Innocent à demi
je me suis avancé
interdite la zone
industrielle, industrieuse
entreprises indomptables
innocent mais incurable
indésirable mais désireux
de décrypter ces boues
terres obscènes
molécules bouffies
malaxées par des engins
lunaires et tubulaires
aux pistons de chrome
ignorant la boue torturée
sourde aux cheminées
de vapeurs chuintantes
aveuglées par les guirlandes
des torchères irisées
les affaires marchent
les fumées toussent
les bourses gonflent
les écrans aveuglent
les paroles s’enflent
les progrès s’enragent
les rapaces règnent
les boues pénètrent

embourbée jusqu’aux
méninges indolores
engraissée sournoisement
par tous les orifices
ensevelie du trop plein
d’insouciances mercantiles
notre pensée sur le dos
à l’embonpoint vulgaire
peine à se décrotter…


jeanPaul coLomb
mars 1999/juin 2011

Abandon…

Alors que l’été s’installe
le soleil surchauffe les dalles
des jardins, des trottoirs
rues minérales, dérisoires

Alors que les postes de travail
avec chefs, chaînes et attirail
par milliers sont à l’abandon
au désespoir de certains patrons

Je sens que je me laisse envahir
sans la moindre envie de fuir
par l’enchantement de l’abandon
au temps, hosanna, je fais don


J’aime ce sentiment doux et total
d’enveloppement aérien, voire sidéral
là, où le corps et l’esprit
s’enlacent comme des nuées étourdies

Le réel communie avec le sublime
les fardeaux les plus intimes
s’évaporent dans une tendre lumière
où le divin rayonne et opère

abandon sublime…


jeanPaul coLomb
juin 2009

“Un poète doit laisser des traces de son passage non des preuves. Seules les traces font rêver.”

René Char