dimanche 12 décembre 2021

Au-delà de nos âges… (2)


Certains et incertains

nous nous marions

devant les fleuves

sans perdre une minute

les nuits finissent à l'aube

nous écrivons des lettres

aux écureuils

aux peupliers

Alban Gellé
L'Au-delà nos âges

lundi 6 décembre 2021

Au-delà de nos âges… (1)

Sur des petites collines
de sable

nous ramassons
des diamants,

lundi, mardi,
fête foraine,

où sont passés
les autres jours

nous retenons nos larmes.

Alban Gellé
L'Au-delà de nos âges

dimanche 5 décembre 2021

La rosée de l'églantine blanche…






La vieille Meg était gitane

Et vivait parmi les bruyères :

Son lit, c'était le gazon des landes,

Et sa maison, c'était le grand air.


Ses pommes, c'étaient les mûres noires ;

Ses raisins secs, les cosses du genêt ;

Son vin, la rosée de l'églantine blanche ;

Son livre, une dalle au cimetière.


John Keats
Extrait du poème

«  Meg Merrilies » in Poèmes choisis

dimanche 21 novembre 2021

Automne précoce

Déjà l’odeur des feuilles flétries 

flotte dans l’air,

Comme des yeux sans regard,

les champs de blé sont vides ;

Nous le savons, 

un des prochains coups de tonnerre

Donnera le coup de grâce

à notre été livide.


Les cosses sèches des genêts crépitent. 

                  Sous peu,

Tout ce que nous pensions tenir 

dans nos mains,

Merveilleusement leurrés

par les fleurs des chemins,

Nous semblera soudain

lointain et fabuleux.

 

Dans l’âme apeurée

croît l’envie angoissée

De ne pas s'agripper au destin

plus longtemps,

De flétrir comme les feuilles d’un arbre,

offrant

À l’automne de la vie une fête colorée.

 

Herman Hesse

Éloge de la vieillesse

dimanche 7 novembre 2021

Se mettre à marcher…

Mon buste se penche en avant.

C'est ainsi qu'il se tient devant son erreur.

Salut à la fougue

qui soudain l'a quitté,

mon corps se courbe vers son milieu,

l'erreur l'a plié en deux.

Malgré tout, je ne tombe pas sur le visage.

Une gaffe peut tout simplement

devenir une balance,

une erreur à peine visible

peut se mettre à marcher à quatre pattes.

Abbas Beydoun
Extrait du poème Une erreur qui marche à quatre pattes in Un billet pour deux

mercredi 27 octobre 2021

Lumière dans le Noir… (5)


De la nuit vient l'inexpliqué…

Dès que je commence, dès que se trouvent mises sur la feuille de papier noir quelques couleurs, elle cesse d’être feuille, et devient nuit.

 

Arrivé au noir. Le noir ramène au fondement, à l’origine.

 

Base des sentiments profonds. De la nuit vient l’inexpliqué, le non-détaillé, le non-rattaché à des causes visibles, l’attaque par surprise, le mystère, le religieux, la peur… 


Henri Michaud dans ses  «  Commentaires des tableaux noirs »


https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20200110.OBS23297/le-noir-ramene-a-l-origine-soulages-sous-l-oeil-des-poetes-et-des-ecrivains.html

jeudi 21 octobre 2021

Lumière dans le Noir… (4)

Un homme aura donc passé sa vie

à étaler du noir sur des toiles tendues.

Les outils,  les prolongements de tes doigts.

Les outils : pinceau, brosses et compagnie 

sont tes doigts en fer, en bois, en poils

que tu appuies sur la toile

à travers la brume noire.

Le petit Pierre a les doigts pleins d'encre,

il a mis du goudron sur le ciel.

Oui, c'est la meilleure des raisons de vivre

que d'ainsi presser l'outre du temps

au-dessus de la toile couchée par terre.

Christian Bobin
Pierre, page 50


dimanche 3 octobre 2021

Lumière dans le Noir… (3)

Le noir couleur

J'aime le noir

Le vrai noir


Qui éclate mes étoiles

Et qui jaillit de l'ombre

Comme un animal sombre

Magie d'un cœur sans voile


J'aime le noir

Le vrai noir

https://www.cave-a-poemes.org/page.php?id=175

mardi 21 septembre 2021

Lumière dans le Noir… (2)


À tous ceux-là qui très loin sont captifs
Dans le silence ; aux âmes enchaînées
Par la longueur des muettes années
En nul ne sait quels abîmes plaintifs ;

À dont l'ombre a tant de murs sur elle
Qu'ils n'ont jamais pu donner de nouvelle
De leur nuit noire aux gens qui sont dehors ;
Ceux pleins d'appels dont nulle voix ne sort,

Dont le secret cherche un mot qui l'emporte ;
Ceux pleins d'appels dont nulle voix ne sort,
Dont le secret cherche un mot qui l'emporte ;
Ceux dont le cœur bat sans trouver de porte,

À tous ceux-là — je ne sais pas combien —
Je viens; Je suis un petit oiseau, je viens.
Je viens, je suis moucheron, un rien frêle.
Une aile. Et j'ouvre et je donne mon aile

Pour alléger leur épaule et mon chant
Pour délivrer leur âme à travers champs.

Marie Noël
Extrait des Champs de la merci,
in Le Sommet de la route et l'ombre de la croix

mercredi 15 septembre 2021

Lumière dans le Noir… (1)




À la lumière qui l'a obscurci


Il reviendra

Le chemin le veut
le chemin l'a répété au seuil
le seuil l'a divulgué aux passants
les aiguilles de pin
sur ses semelles
ne tiendront pas jusqu'à l'hiver
ni maraudeur ni braconnier
mais mort taiseux

reviendra avec ses rides
au cœur
exhibera sa mue
rendra gorges à la lumière
qui l'a obscurci

Vénus Khoury-Ghata
In Éloignez-vous de ma fenêtre

vendredi 30 juillet 2021

Le poème dit… (6)


… ce que je sais d'elle…

Elle est toujours muette,

point éloignée des hommes

et sans vivre à l'écart.


Elle n'a ni fin ni bord,

elle est lumineuse,

et sa puissante vie,

la mort ne peut briser.


Parce qu'elle-même ne peut

se corrompre, d'un cadavre,

elle fait un bel organisme

avant d'être poussière.

Ivan Kouratov, extrait de Voici ce que je sais d'elle… in Ma muse n'est pas à vendre

lundi 5 juillet 2021

Le poème dit… (5)

… on entend
toujours une voix
au loin on voit

toujours
on regarde l'horizon
on devine un point
un pont peut-être

on attend
heure par heure
qui doit surgir
qui va arriver

on épie
son retour
son aube
son approche

dans les herbes du soir
on devine
son sourire
son regard
sa lumière

seule la rose frémit
D'après Goliarda Sapienza in Ancestrale

lundi 28 juin 2021

Le poème dit… (4)

… les verdures des champs

de Lasse au Pays Basque

nous les contemplons

les savourons à l'infini…


chaque matin étincelle

d'une lumière nouvelle

le paysage taché parfois

de vieilles fermes rouges

à l'abandon, le temps coule

la queue du chat se déroule

Jean-Paul

mercredi 9 juin 2021

Le poème dit… (3)


De ta chaise longue
tu regardes sans voir
derrière tes lunettes
les pissenlits grillés par la canicule,
le mont Blanc au bout du pré
comme un bien de famille
et quand il fait plus frais,
le soir, tu entends
le cri fusant des hirondelles
qui ont fait leur nid
à l'abri du volet ;
miettes du monde
que le poème aussi recueille
en vain pour toi qui ne lis plus.

Jean-Pierre Lemaire
Recueil, in Graduel

vendredi 21 mai 2021

Le poème dit… (2)

… L'attente folle

 

Le voile de la mariée est étendu

à perte de vue

Et sa robe est déchirée

Tristes amants déshabillés

Recroquevillés

Témoins glacés et désemparés

 

Le voile s'est envolé

Au delà les forêts

Les toits et les clochers

Comme un linceul abandonné

 

Immaculé pays de glace

Le temps se passe

Et se défait

Le temps s'est inversé

Il ne sait plus ce qu'il fait


Lumière glauque d'un matin d'hiver

Qui n'a pas grand chose à faire

Mais où sont les mariés?

Attente blanche et figée

 

Danse la mort

Et danse l'attente

Bien en cadence

Condamnés enchaînés

Pas à pas

Qui tournent dans le froid

Tu peux rire de nous

Et de nos frayeurs blanches

Et si c'était l'amour après tout

Qui nous rendait 

Tous un peu fous?

 

Isabelle G.

mercredi 5 mai 2021

Le poème dit… (1)


Le poème dit ce qu'il dit
et dans tous les sens
les cinq sens,
le bon sens,
l'insensé

Qui parle ? Lui ?
qui parle luit ?

Le poème ne parle pas,
il est le poème.

Il nous parle, nous perle,
en fait tout un monde
et traverse
le collier d'immonde

Claude Minière
Extrait du Poème in Refaire le monde

jeudi 11 mars 2021

Passage… (7)


                             La passerelle

 

Elle est là, sur la passerelle du vent

la passerelle de la pluie et du temps

sur la passerelle des oiseaux, Elle

se moque du temps, des ans, du ciel

 

Elle avance sur la passerelle hors temps

la passerelle de la pluie ou du vent

les oiseaux au-dessus de la passerelle

ne chantent que pour elle dans le ciel

 

Elle se balance  sur la passerelle

se mire dans l’eau depuis sa balancelle

et la passerelle se balance au gré du vent

c’est la passerelle du temps présent

 

Elle respire le temps dans le vent

respire le temps de chaque instant

le temps présent sur la passerelle

où la pluie, le vent sont en dentelle


JeanPaul, d'après Capridu74 https://www.poeme-france.com/auteur/capridu74/

vendredi 5 mars 2021

Passage… (6)

Voyageuse, hôte de nulle part

 

          surgie des profondeurs de l’ouest

 

                    où vas-tu ? Le sais-tu ?

 

Toi qui vogues d’une rive à l’autre,

 

          toi qui enjambes l’inconnu du fleuve

 

                    sais-tu d’où viennent les flots

 

                                sais-tu où vont ces voies d'eau ?

 

Sur ton chemin de poussière

 

          aussi loin que ton regard atteint

 

                     as-tu vu les tourbillons inconnus

 

                                chargés de lointains saluts ?

 

Sous ton chapeau de paille                  que regardes-tu ?


 JeanPaul

lundi 22 février 2021

Passage… (5)



Il faudrait pouvoir attraper

ensemble

tous les mots d'amour

tous ces mots d'amour

murmurés, chantés

dansés, éclatés, lancés

d'un bout à l'autre du monde

et laisser courir à jamais l'écho

de tous ces mots d'amour…


d'après un extrait  de Sugar de Éric Sarner 

samedi 13 février 2021

Passage… (4)

Tel un jouet, un meccano

il se détache dans le ciel

frêle, léger, si léger

en bas repose la nacelle

chargée de pas oubliés…


sur la toile bleue du soir

le vent retient son souffle

de peur de le déplacer

sur le fleuve déjà endormi

que de passages engloutis…

JeanPaul

samedi 30 janvier 2021

Passage… (3)

Soupirs…


«  Je me tenais à Venise

    sur le Pont des Soupirs,

un palais d’un  côté,

    une prison de l’autre.


Je vis en sortant

    de la vague

sa structure s’élever

    semblant venir

d’un coup de baguette

    de l’enchanteur. »


George Gordon Byron 

jeudi 21 janvier 2021

Passage… (2)


Sous le pont

 

Un ciel bleu nuit de Quercy

un dessin médiéval de pont

rose tels des berlingots

échappés d’une fête foraine

perdue, muette, lointaine…


des arcs lunettes d'une tour

en quête d’étoiles éparses

rives chargées de fantômes

il surgit du Lot, d'une farce

le pont d'une nuit binôme…


JeanPaul

jeudi 7 janvier 2021

Passage… (1)

Passerelle


Entre deux rives

          la passerelle attend

 

entre deux rives endormies

          la passerelle attend sans souci

 

La passerelle est jetée

          comme entre deux rêves

suspendus au-dessus par dessus

          nos têtes pleines de tintamarre


En-dessous, juste en-dessous

          ru, ruisseau, rivière ou mare…

 

Entre deux rives

          la passerelle attend

                    sans se soucier du temps

elle attend le premier pas

          le premier pas du passeur

                    du promeneur, du rêveur…

 

La passerelle attend

          entre deux rives, entre deux rêves…


JeanPaul

“Un poète doit laisser des traces de son passage non des preuves. Seules les traces font rêver.”

René Char