mercredi 25 décembre 2019

C'est aujourd'hui que je vous aime (1)

Devant la porte grande ouverte
Dans le soleil éparpillé
Au mur parmi la vigne verte
Et mes bras sont tendus vers vous

C'est aujourd'hui que je vous aime


Pierre Reverdy,
extrait de Pour le moment
in Plupart du temps

Clin d'œil au livre : C'est aujourd'hui que je vous aime, de François Morel, cadeau de Noël

vendredi 20 décembre 2019

Beauté du monde (7)


C'était dans les îles là-bas où l'on regarde
Le ciel obscur dans un miroir comme un lettre
Cryptée pour en déchiffrer l'énigme appelle
T-on cela une vie et sur le sable la 
Mer efface le dessin d'un rêve aussi
Tôt que tracé c'était dans l'envers du monde et
La lune sous le bras tu marchais au milieu.
Jean Ristat
Extrait dÉloge funèbre de monsieur Martinoty
in Ô vous qui dormez dans les étoiles enchaînés

jeudi 12 décembre 2019

Beauté du monde (6)


Les choses se taisent
pour me laisser dormir
et le silence du jour lumineux
grince comme la chauve-souris.

Je m'exerce à mettre en retrait
la masse viscérale tâche
où je puise
un pouvoir de résistance.

Démons
laissez un peu la place
à des merveilles…

Que l'ouvrage soit doux
et passionnant aux doigts.

Jacques Jouet
Extrait de Dos, pensées (poème), revenant

mardi 5 novembre 2019

Beauté du monde (5)

Navire qui pars pour le lointain,
Pourquoi est-ce que, contrairement aux autres,
Je ne ressens pas, une fois disparu, des saudades de toi ?

Parce que quand je ne te vois plus, tu cesses d'exister,
Et si on a la nostalgie de ce qui n'existe pas,
On n'est plus en relation avec rien,
Ce n'est pas du navire, mais de nous, que l'on ressent le manque.
29 mai 1918
Fernando Pessoa
Poèmes jamais assemblés d'Alberto Caeiro

mercredi 30 octobre 2019

Beauté du monde (4)





Le don furtif

Toujours ce même geste
du matin :
Le dormeur remonte en vain
la mécanique des rêves
Il efface la nuit de son visage

À pas lents
le petit jour est aux fenêtres
Il porte le temps
sur ses épaules
Il n'a que faire des traits crispés
des mains des dos vrillés
des âmes en charpie
Simplement à la dérobée
il va dénouer les ombres

Tous les matins
cette jeunesse passe
Notre chance peut-être

Jean-Marie Barnaud
Sous l'imperturbable clarté
coll. « Poésie »,
Gallimard, 2019


vendredi 25 octobre 2019

Beauté du monde (3)


Et cependant elle persiste
La voix
Comme l'oiseau
revient aux fenêtres
Éteindre et rallumer le ciel
Et on s'arrête
Désorienté
On voudrait retenir l'éclair
S'abriter dans un pli
du drapé
Qui vous a ébloui
Jean-Marie Barnaud
Extrait d'Aux enfants du jour
in Sous l'imperturbable clarté

dimanche 1 septembre 2019

Beauté du monde (2)


Le carré lumineux de la fenêtre

Capte les ramées

proches du Dehors ;

Mains végétales hérissées

Cachent les nuages ou l'azur…

Dedans, on reste coi,

sûr que tout est dit,

Que rien ne sera dit.

Pourtant ce moment


Infini que seul un œil fini voit.


D'après François Cheng
Quand les âmes se font chant p.55

mercredi 21 août 2019

Beauté du monde (1)


Sur l'angoisse d'abandon,

de fuite,

peu à peu

gagne une autre idée :

la déception immense

et plate

de n'avoir qu'une seule vie.

Bernard Faucon Chambre d'amour
William Blake & Co. Edit., 1997

lundi 29 juillet 2019

Chemin faisant…

Au déclin du soleil, alors

que les champs respirent

à pleines tiges, retour

d'un bain de nature,

de verdure, l'air s'embrunit

le soir s'azure peu à peu

l'ombre va couler dans peu

de temps des collines

jusqu'aux toits offerts

aux lueurs de lune neuve…

JeanPaul

dimanche 14 juillet 2019

Que de profil…



Je ne me sens homme
qu'au contact des choses

Avec les hommes
c'est le contraire

Vous savez bien c'est difficile
Ou trop facile

Je ne me sens à l'aise avec eux
Que de profil, quand à deux
On regarde la même chose
Cette chose qui n'existe pas

Georges Perros
Ken Avo
in Poèmes bleus

mardi 9 juillet 2019

Quand mon regard…


Quand je mordrai
les mots,
de grâce,
ne me bousculez pas,
je veux mastiquer,
rompre entre mes dents,
la peau, les os, la moelle
du verbe,
afin de versifier ainsi
le cœur des choses.

Quand mon regard
se perdra dans le néant,
de grâce
ne m'éveillez pas,
je veux retenir,
au cœur de l'iris,
l'ombre moindre
du mouvement infime.


Conceição Evaristo
Extrait du poème
« À propos du calme et du silence »,
in Poèmes de la mémoire et autres mouvements

dimanche 19 mai 2019

Un radeau contre…

                                                                                                                                                                                                               Marie-Louise CIARALLI


L'ART ? UN RADEAU CONTRE LA BÊTISE !

                                                                                                                                                              Miquel BARCELÒ

jeudi 9 mai 2019

L'air s'en fiche…




Salut aux épines de roses

aux barbelés

à tout ce qui griffe, râpe et use

en acte ou en pensée.


Aux angles aigus du monde

dont la tâche consiste à blesser

en passant

sans haine et sans honte

l'être étranger.

Marc Alyn
Extrait de La Voix noire
in Les Alphabets du feu

mercredi 8 mai 2019

Aux îles bienheureuses…




Ciel me voici c'est moi
J'arrive de lointaine Bretagne
Ô ma barque belle
Parmi les bleuets
et les dauphins
Les brumes y sont plus roses
Que les toits d'Espagne
Je viens d'un pays de marins
Les rêves sur les vagues
Sont de jeunes rameurs
Qui vont aux îles bienheureuses
De la grande mer du Nord

Xavier Grall
Extrait de Solo, éd. Dialogues

dimanche 5 mai 2019

En périphérie

Ma vie, je t'ai apprise par cœur.
Les années ont passé
vite et brutalement.
À maintes reprises
je me suis demandé
s'il ne valait pas mieux,
pour les autres et moi-même,
que je reste en périphérie
de ma propre existence.

Consciencieusement, j'ai retenu
la naïveté peu honteuse
des gestes déplacés.

Je me souviens
du jour, de l'heure
de chaque caresse
qui ne fait que passer.
Céline Coulon
Ma viein Les Ronces, éd. Le Castor Astral

samedi 9 mars 2019

La forêt noyée


Douleur de reprendre ce que notre jeunesse
a laissé brûler sans retenue ni grande exigence.
Tous les arbres rencontrés, les visages,
les cités. Tous les orages, toutes les clés
passagères, les voyages. Tout a brûlé.
La combustion fut intérieure et sans flammes.
Et  tout fut intéressant, dira l'enquêteur céleste.

Extrait de Des lézards, des liqueurs, éd. Gallimard.

“Un poète doit laisser des traces de son passage non des preuves. Seules les traces font rêver.”

René Char