C'est une belle journée
qui s'achève
peut-être aurions-nous
pu mieux faire
partie du monde
et nous plonger
dans ces cieux du couchant
inattendus
à notre retour
D'après Papiers d'identité de Franck Venaille
Jouer avec les mots et les images… S'amuser avec les mots d'hier et d'aujourd'hui, les images d'ici et là… Les cueillir comme l'on poursuit les papillons dans un rayon de lumière… Les habiller d'Amour, en riant sous la Lune… Et les offrir au ciel, aux étoiles, à l'enfant joyeux, caché en Nous…
C'est une belle journée
qui s'achève
peut-être aurions-nous
pu mieux faire
partie du monde
et nous plonger
dans ces cieux du couchant
inattendus
à notre retour
D'après Papiers d'identité de Franck Venaille
Violettes
Et
les violettes elles-mêmes, écloses par magie dans l’herbe, cette nuit, les
reconnais-tu ?
Tu te penches, et comme moi tu t’étonnes ; ne sont-elles pas, ce printemps-ci,
plus bleues ?
Non, non, tu te trompes, l’an dernier je les ai vues moins obscures, d’un mauve
azuré, ne te souviens-tu pas ?
Plus
mauves… non, plus bleues…
Je revois des prés, des bois profonds que la première poussée des bourgeons
embrume d’un vert insaisissable, des ruisseaux froids, des sources perdues,
bues par le sable aussitôt que nées, des primevères de Pâques, des jeannettes
jaunes au cœur safrané, et des violettes, des violettes, des violettes…
Colette
https://arbrealettres.wordpress.com/2017/12/30/violettes-colette/
Dans orange
Il y a or
Or il n'y a pas d'or
Dans l'orange
C'est orange une orange
L'or est dans la bouche
Qui la mange.
Dans orange il y a ange
Pourtant il n'y a pas d'ailes
à ses feuilles
Sinon elle quitterait la branche
Pour goûter les autres couleurs
Dans les airs.
La pomme sur le côté
Feuille d'automne
Quand le fleuve m’appelle
quand l’eau est miroir
quand la bouée rouge
nargue en vain le ciel
quand je file vers la ville
quand mon regard défile
quand mon souffle buée
s’égare et perd haleine
une feuille au sol
se dresse, clignote
et m’arrête soudain
inscrit en lumière…
JeanPaul
Le vent s'est posé au bord du miroir de l'eau
les feuilles mortes des bouleaux s'abandonnent
le vent dur et sauvage de novembre est sans pitié
le vent mord les branches peu à peu dénudées
le bassin au centre du square se fige, s'endort
deux feuilles perlées d'automne semblent nager
nonchalant, patiemment, novembre s'installe…
https://www.lyon.fr/lieu/jardins/jardin-du-palais-saint-pierre
Notes pour plus tard
rien de particulier
un son long lointain
les pétales des arbres
qui tombent avec le vent
bientôt le feu
bientôt la pluie
rien de particulier non
rien de spécial si ce n'est
le fait que nous sommes
là — vivants —.
D'après Debout dans les fleurs sales de Thomas Vinau
La feuille d'or
La nature s’endort
Sur un arbre mort
Dans le froid qui mord
Reste pour décor
Une feuille d’or
Dans le vent du nord
Elle salue l’aurore
Et le soleil d’or
Qui se lève encore
Alain Hannecart
avec des bouts de ficelle
avec des rognures de bois
avec de tout, tous les morceaux bas
avec les coups bas
avec des feuilles mortes
ramassées à la pelle
avec des restants de draps
avec des lassos lacérés
avec des mailles forcées de cadène
avec des ossements de murène
avec des fouets arrachés
avec des conques marines
avec des drapeaux
et des tombes dépareillées
par rhombes
et trombes
te bâtir
Aimé Césaire
Les maillons de la cadène
Rose d'été
Été : être pour quelques jours
le contemporain des roses ;
respirer ce qui flotte autour
de leurs âmes écloses.
Faire de chacune qui se meurt
une confidente,
et survivre à cette sœur
en d’autres roses absente.
Rainer Maria Rilke
Les roses
Une rose seule,
c'est toutes les roses
Une rose seule,
c'est toutes les roses
et celle-ci :
l'irremplaçable,
le parfait,
le souple vocable
encadré
par le texte des choses.
Comment jamais dire sans elle
ce que furent nos espérances,
et les tendres intermittences
dans la partance continuelle.
Rainer Maria Rilke
Le lys d'or du lac de Frace
Hors des chemins de poussières et de bruits
le lac dans son écrin de fraîche verdure
nous accueille en silence et toute simplicité
invitation à flotter entre ses eaux et l’azur
Un oblique rayon nous atteint et décline
les riches heures teintées d’éternité
sur le sol herbeux, tendre et moelleux
nos corps frémissent avec la canopée
Plus loin comme piqué sur la berge inerte
noble et pur, un grand lys lance son or et
attend sans crainte l’arrivée certaine de la nuit
Il y a des fleurs au fond de la mer
Qui ne poussent pas vers le soleil
Et dont aucun vent ne remue les feuilles
Mais le souffle de l’eau, le flux
Et le reflux du jour et de de la nuit
Je cherche à dire et à nommer
Sans conclure, sans enclore
Sans preuves je cherche encore
Sans même un espoir de trouver
Creusés dans la terre noire
Où vont pourrir nos os
Il reste quelques puits d’eau claire.
Jean-Michel Maulpoix
Profondeurs in Rue des fleurs
Elle tient ses cheveux se place
Sous la lampe qu'il avance
Comme s'il faisait beau un doux soleil
Il pose son autre main plus loin dans l'ombre
La fenêtre est bien ouverte maintenant le soir
La couverture sent les fleurs de la journée
Ariane Dreyfus
Tu as sommeil ? Extrait de Nous nous attendons
Il souffle mille voix de vent
sur la montagne que traversent
des marées tant d'aubes
un silence de fin de jour
quand s'amorce la descente
vers soi
au-dessus du vide
flotte un ciel
qui n'ignore pas sa fragilité
murs d'incertitude et miroir
déformé de nos rêves
Hélène Dorion
Extrait de L'onde du chaos,
dans Mes forêts
Signe
Il n’y a aucun signe à attendre
De quelque horizon qu’il vienne
Et quelles qu’en soient la lueur ou la promesse
Ce signe qui appartient seulement au cours des choses et des êtres
Sans autre destination que de renier le présent à l’instant même où il apparaît
Surtout quand il annonce l’éternité
Jacques Lelong
Libre
Être libre
Mais de quoi être libre ?
De quelle structure ?
De quel engrenage ?
Mais, surtout, de quel questionnement ?
Et libre de quelle impossibilité d’être,
s’il n’y a pas de réponse ?
Libre de ce qui est autre que soi ?
Et qui empêche d’être soi-même ?
Ou alors faut-il être libre de soi seul ?
Non, ce qui importe,
c’est tout simplement,
d’être libre de l’idée de liberté.
Jacques Lelong
Fruit
Sans origine et sans destin,
de quoi le fruit premier est-il le fruit ?
D’un don qui,
né du néant, soit un dû ?
Ou bien d’un don
qui réponde à un don ?
Et qui établisse pour longtemps
l’échange donnant vie à la vie ?
Et donnant vie à l’amour…
Oui, c’est bien là
le destin du fruit
Jacques Lelong
“Un poète doit laisser des traces de son passage non des preuves. Seules les traces font rêver.”
René Char